Introduction
LAMARCK et DARWIN se partagent aujourd'hui la gloire d'avoir été les initiateurs
de la théorie de l'évolution organique : mais tandis que DARWIN recueillait de
son vivant - outre quelques sottises aigres - un large tribut d'honneur, LAMARCK
mourut pauvre, aveugle, méprisé. C'est que l'époque où parut la Philosophie
zoologique (1809) - cinquante ans avant l'Origine des Espèces (1859) - n'était
pas mûre pour l'adoption d'une théorie aussi révolutionnaire que celle de la
descendance : « LAMARCK, dit ALPH. DE CANDOLLE (1), aurait eu dix fois plus de
mérite qu'il ne serait pas parvenu à faire pencher la balance du côté de
l'évolution» ; et CUVIER, dont les services immenses rendus à la science ne
peuvent faire oublier le rôle fâcheux qu'il a joué dans ces circonstances, eut
vite fait, du haut de sa toute-puissance, d'étouffer dans l'œuf une nouveauté
aussi contraire aux croyances traditionnelles. Cette pensée du maître fut
pieusement recueillie par ses successeurs, et pendant près d'un siècle, il fut
admis de négliger complètement les conceptions théoriques de l'Histoire des
Animaux sans vertèbres, quand on ne les déformait point pour en mieux
plaisanter. LAMARCK a payé durement le lourd tribut que doit tout novateur à
l'esprit timoré de ses contemporains : loin de se plaindre des obstacles
entassés sur sa route, il les a considérés comme plus avantageux que nuisibles à
l'avancement des connaissances générales :
« Quelques difficultés qu'il y ait à découvrir des vérités nouvelles, dit-il
dans l'Avertissement de la Philosophie zoologique (2), il s'en trouve de plus
grandes encore à les faire reconnaître... Mais il vaut
(1) Darwin considéré au point de vue des causes de son succès (Arch. des Sc.
Phys. et Nat. de Genève, (3). VII. 1882, p. 484).
(2) Édit. MARTINS, p. 45.
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